le lion

Ecrit par l'Ordissinaute René Chamagne

Le soleil disparu, quand la chaleur s'apaise,
Les lionnes s'éveillant, sortent de la fournaise.
Lors commence la chasse, dont le lion est seigneur.
Elles, nos rabatteuses, voient venir l'heure
Où le sang rafraîchit les bouches caverneuses.

Elles flairent le vent, les odeurs sinueuses
Que les herbes recèlent, tandis qu'au ras du sol
Se roulent à leurs pieds les lionceaux un peu fols.
S'il le faut, nous saurons abattre de la patte
Le zèbre en son galop vers la mort écarlate !

Mais il nous plaît de voir la troupe des gazelles
Jaillissant çà et là comme simples sauterelles.
Nos lionnes s'en approchent, rampant contre le vent,
Leur salive anticipe le plaisir de la dent
Qui plonge dans la chair et déchire le corps.

C'est alors que le lion prend vraiment son essor,
Il a le droit du mâle, le donneur de la mort.
La gazelle palpite, ses yeux désespérés
Se révulsent déjà tant ils sont apeurés
Et connaissant le sort d'un Prométhée sauvage
Elle paie de son foie la fureur de ma rage...

J'aime aussi le combat avec beaucoup plus fort
Car j'affronte le buffle qui trouble l'eau qui dort.
Il mugit, je rugis, ses cornes formidables
Se balancent dans l'air en armes redoutables,
Dans le feu de la lutte il devient mon égal,
Je hurle de colère et j'étreins mon rival,
Son mufle dans mon mufle, en un baiser obscène,
Il étouffe et suffoque en ma fétide haleine...

La savane arrosée du sang de ma victime
Retrouve enfin le calme quand est payée la dîme.
Déjà l'hyène attend et le vautour espère
Festoyer de mes restes, nettoyer mon repaire.
Ce  sont là serviteurs qu'il faut bien tolérer
Si l'on veut dans la brousse être seul adoré !

Le matin reparaît, les animaux frissonnent,
Nul ne pense à compter, sur le sol où résonnent
Les sabots enfiévrés, combien ont dû payer
Le calme du troupeau que je sais effrayer.
Mais je rentre mes griffes et me livre au sommeil
Sous les rayons cuisants de mon sanglant soleil.