Suite de la nouvelle de Pascale Fuster: Où l'épidémie frappe le village...

La Ferme du Gyps (12)

Suite de la nouvelle de Pascale Fuster: Où l'épidémie frappe le village...

Ecrit par l'Ordissinaute Les 3 A...

La ferme du Gyps...
 
Guérisseuse
- 12 -

Zélie soupira et continua :
Puis ce fut le tour de l’Urbain, le gardien du château.
Ce matin-là, on aperçut Marie sur la roche du Verneau et le village se signa pour conjurer le mauvais sort.
Au château du Fresnet, le gardien allait veiller au barrage, il devait  chaque jour s’assurer que les feuilles et les branches n’obstruaient pas le bon fonctionnement des vannes.
Une branche s’était coincée, il voulut la retirer, mais nerveux il s’y prit mal, glissa et tomba dans l’eau froide de ce début d’automne.
On trouva son corps le lendemain.
 
Et pour eux, c’était la donneuse de mort qui avait encore frappé le village, rien n’avait changé s’emporta Zélie.
Les vieilles peurs revenaient, les superstitions aussi . Mais le village  n’était plus le même, les villageois se divisaient dans des guerres de  clochers.
On savait qu’elle était là, mais personne à part les taillandiers ne l’avaient vraiment vue.
Juste une silhouette au loin sur la roche, elle ne venait jamais au village,  pourtant partout alentour on disait qu’elle sauvait des vies.
Et la réputation de guérisseuse de Marie n’était plus à faire, on venait la chercher de tous les villages alentour.
 
Mille neuf cent dix-sept et mille neuf cent dix-huit furent les deux  dernières années terribles de la grande guerre, les hommes étaient  transformés en chair à canon.
Mais en l’absence des hommes, les femmes ont repris les fermes et Marie les a aidées autant qu’elle a pu en soignant leurs bêtes, celles qui  restaient celles que l’armée n’avait pas prises, les réquisitions de  nourriture et de bétail étaient nombreuses, les chevaux qui  travaillaient la terre servirent dans la boucherie de Verdun.
 
Elle mit au monde les enfants de ceux qui étaient au front en se posant  chaque fois la même question: Reviendront-ils pour connaître leurs  enfants?
Durant ces deux années, elle a parcouru sans cesse les chemins d’un village à  l’autre, le Crouzet, Migette, Eternoz, Saraz, Montmahoux.
C’est en mille neuf cent dix-huit, que Jules Blanchin sorti premier de sa  promotion s’est présenté devant le Maire de Nans sous sainte Anne,  Aristide Duchamp Souillat.
Il venait prendre son poste de maître d’école au village. Il remplaçait l’ancien maître, mort pour la patrie.
 
Le Maire a regardé avec méfiance ce jeune homme, à peine sorti de l’enfance, qui devait enseigner aux enfants de la commune.
Enfin la patrie manquait de bras , beaucoup étaient morts au front, il faudrait bien faire avec.
Il lui a remis les clés de l’école et celle de l’appartement qui lui était dévolu situé au-dessus, lui a dit que la commune lui avait réservé son  stock de bois de chauffage à charge pour lui de le monter à l’étage.
En cette fin d’août, le jeune instituteur a tenu à faire la connaissance  du village avant la rentrée des classes. Il est allé saluer le baron, le directeur de la faïencerie, le maître taillandier et a abordé les  villageois occupés dans les champs, insistant auprès d’eux pour que les  enfants viennent en classe, ce qui n’était pas du goût de certains, les
bras manquaient dans le monde de la terre.
Les hommes étaient tout juste rentrés de la guerre, certains mal en point,  d’autres avaient eu plus de chance, mais tous en gardaient des traces  dans la mémoire.
Au printemps mille neuf cent dix-neuf, une charrette s’arrêta devant la  ferme, Marie sortit de la maison et s’assit à côté du charretier.
Ils prirent la route du moulin du bief, longèrent le Lison et passèrent la  fontaine aux morts pour monter la pente raide qui conduisait à Saraz.
Elle entra dans une ferme où un homme était étendu sur la paillasse de l’alcôve.
Elle l’examina, et n’aima pas ce qu’elle vit, elle soigna l’homme du mieux  qu’elle put, laissant à son épouse de quoi le soigner.
Les fermes étaient peu nombreuses à Saraz, elle en fit le tour , donnant à chacun remède et recommandation.
Et elle fit bien car elle sauva le village.
De retour au Gyps, elle allait rentrer mais se ravisa, elle s’est rendue à la taillanderie, quand le maître lui a ouvert, elle lui dit qu’il ne  devait plus mettre les enfants à l’école.
Etonné, il lui demanda ce qui se passait, elle lui répondit:
- Le malheur va  frapper le village, gardez vos enfants ici, prenez soin des vôtres.
Et elle rentra chez elle, sans plus d’explication.
Refermant la porte, il annonça à ses fils que leurs enfants ne descendraient plus au village jusqu’à nouvel ordre.
Et bien lui en prit de suivre les conseils de Marie.
Une épidémie secoua le pays, causant de nombreux morts et Marie dut se  battre contre le mal dans tous les villages alentour. Partout sauf à  Nans, enfin presque.

[...]

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