Big sur
Publié le 15 octobre 2022
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Elle était debout, devant moi, souriante, s'excusant de m'avoir réveillé.
Je m'appelle Kate se présenta-t-elle. Je vis à San Diego et je suis pour quelques jours en vacances dans la région.
Elle n'était pas très grande, plutôt mince, des cheveux mi-longs, un visage avenant illuminé par de jolis yeux bleu profond.
Quelques légères rides indiquaient la trentaine dépassée.
Tout en marchant au milieu des fûts gigantesques des séquoias, la
conversation s'engagea.
Il faisait sombre et frais, pas de chants d'oiseaux, un grand silence, juste dans le lointain le léger murmure d'une rivière.
Nous admirions la puissance tranquille de ces géants magnifiques à l'écorce si douce
De fil en aiguille, je lui expliquai ma présence à Redwood valley.
Une sorte de pèlerinage, hanté par la tragique disparition de Giulia.
C'était il y a presque dix ans, jour pour jour.
Redwood Valley était notre petit rêve à atteindre, mais le sort dans toute sa cruauté...
Désormais je visais Big Sur, mon propre rêve à accomplir.
Me libérer, passer un cap.
Se plonger dans la nature sauvage.
Big Sur est un "État d'Esprit", un refuge où se ressourcer.
Henry Miller ou Jack Kerouac y avait vécu ainsi que d'autres artistes.
Big Sur est une" Île après naufrage".
J'avais prévu une courte étape à San Francisco, avant Big Sur.
Elle se proposa de m'accompagner, étant seule, libre et encore en vacances.
Surpris, dans un premier temps, je ne sus que dire.
Je réfléchis un moment et acceptai.
Après tout, pourquoi pas.
Nous ne logions pas au même motel, et deux voitures.
Rendez-vous fut pris pour le lendemain, de bonne heure.
Nous devions nous suivre, il fut convenu qu'elle serait en tête.
Elle roulait doucement, fluide, quelques mètres devant moi.
Bien que perdu dans mes pensées, le trajet était plaisant.
Au fond de moi entre honte et remord, j'aimais la perspective de cette journée pleine d'imprévue.
Elle bifurqua vers Santa Rosa, nous nous arrêtâmes au Happy Wine Vineyard.
Un vaste domaine viticole autour d'un château-fort (l'Amérique!), des milliers de ceps aux feuillages déjà dorés, d'un côté des montagnes grises et dénudées, de l'autre une colline revêtue de garrigue.
Cette étendue dorée était féerique.
Kate acheta quelques bouteilles de vins. Du blanc, du rouge.
Nous reprîmes la route de San Francisco où nous arrivâmes vers onze heures du matin.
Une petite pension à la lisière de China Town.
Nos affaires.
Déjeuner dans une gargote chinoise.
Bien sûr Lombard street, cette rue pentue, en lacets serrés,
bordée de jolis parterres fleuris.
Un tour dans le célèbre funiculaire, et une balade jusqu'au Fisher's wharf.
La baie de San Francisco, Alcatraz juste en face, sur le côté, vers la gauche le fabuleux Golden Gate enrobé d'une non moins célèbre brume.
Des tas de photos.
"L'immortalité" nous guettait.
Un après-midi délicieux, contrairement au repas de midi
Le soir, dîner chez un italien.
Des moments de douceurs à avaler tout cru
Retour à la pension.
Une petite chambre à deux lits.
Allongé sur mon lit, impossible de dormir.
Trop de choses dans la tête, trop d'évènements en si peu de temps.
Tant d'interrogations!
Nous digérions dans un silence pensif mais serein, cette si agréable journée.
Un insidieux sentiment de "trahison". Giulia n'était plus, mais Giulia était présente.
Le passé reste toujours ancré.
Le lendemain matin, la ville plongée dans un épais brouillard.
Départ prudent vers le sud et Carmel-by-the-sea.
C'est à l'approche de Carmel que le brouillard enfin se leva.
Une gentille petite ville proprette, fleurie, pimpante, chic, où tout est cher.
Bye bye Carmel.
Point Lobos State Park
Un grand parking aux trois quarts vide.
Des chemins balisés le long d'une côte très découpée.
La montagne affalée dans l'océan, des îlots parsemés, en avant-garde.
Plus loin, une longue avancée aigüe nous amène au plus près de l'océan.
Les vagues rageuses, écumantes, les embruns enveloppants,
le vent piquant, hurlant dans nos oreilles. Un brouhaha sauvage, assourdissant dans lequel nous étions immergés.
Les bras en croix, les mains ouvertes, je tentais d'attraper des bribes de vent, d'écume et d'embruns iodés, les enfouir au fond de moi, dans des souvenirs impérissables.
Kate faisait de même.
Soudain, elle me prit la main.
Surpris, ému et pétrifié, je n'osais la regarder.
Le cœur affolé.
Tout se brouillait en moi.
Sa main douce et tiède, intimidante et chaleureuse.
Mon cerveau s'évaporait, se dandinant sottement, dans un de bonheur.
Comprendre ce qui m'arrivait? Pourquoi?
Juste se laisser porter, dévorer cet instant intense.
Main dans la main, nous avancions désormais dans une bulle étanche.
Le décor grandiose? Un simple écrin pour nos cœurs battants.
Les colonies de pélicans, les mouettes tourbillonnantes, des spectateurs admiratifs...
Invincibles, nous étions!
Le reste de la visite? Une balade éthérée.
Temps suspendu!
Temps accéléré!
Un romantisme exacerbé.
Écarté, le réel.
Une seule faim, une seule soif, le désir charnel!
Muets, seuls les regards échangés parlaient haut et fort!
Les premiers baisers électrisants!
Une fuite en avant, débridée, indomptable...
Nous devions nous rendre à Hurricane point.
Inassouvis, nous reprîmes la route, dans un éclair de "sagesse", l
nous permettant de reprendre un peu nos esprits.
Je branchais la radio. Les Beatles, Love me do..Un signe?
Oubliés les paysages éblouissants.
Les plus beaux paysages étaient, aujourd'hui, intérieurs...
Big Sur Station.
Des à-pics vertigineux! Un océan commandeur?
Enivrés de sensualité, une tempête de bonheur nous submergeait.
Lucia, vendredi soir.
Nous nous installâmes au Lucia Lodge.
Un charmant motel perché au sommet d'une falaise.
Une belle terrasse, vue exceptionnelle sur l'océan.
La nuit tombée, la lune affichée, floutée par une brume lointaine.
Son aspect blafard, fantasmagorique et mystérieux, un appel au calme...
Une nuit magique, nos corps enchevêtrés...
Un sommeil lourd de satisfactions.
Samedi
Le quotidien se rappelait au souvenir de kate, le travail, la maison, sa famille, ses amis. Un certain ordre, routinier, tyran de la vie, reprenait les rênes.
Pensifs, émus, nous parlions à peine, malheureux.
Nous étions, quelque part, déjà demain.
Nos regards entre chaleur et tristesse.
Une longue balade le long de la falaise surplombant la mer.
Le ressac, régulier, rythmait les battements de nos cœurs.
Dernières photos empreintes d'émotions incontrôlables.
L'extraordinaire parenthèse s'achevait.
Les souvenirs prenaient forme.
Un déjeuner sur la terrasse ensoleillée, un vin léger.
Des promesses que nous savions ne pas pouvoir tenir, mais si rassurantes, des caresses à entendre...
L'après-midi fut notre plus belle "nuit d'amour"
Le soir, nos corps enlacés se parlèrent sans un mot.
Dimanche matin, le petit déjeuner, dévia nos pensées du futur immédiat.
Des sourires contraints, des yeux embués, d'ultimes baisers.
Je regardais sa voiture s'enfuir, emportant Kate vers son destin,
Jusqu'à la perdre de vue...
Je m'appelle Kate se présenta-t-elle. Je vis à San Diego et je suis pour quelques jours en vacances dans la région.
Elle n'était pas très grande, plutôt mince, des cheveux mi-longs, un visage avenant illuminé par de jolis yeux bleu profond.
Quelques légères rides indiquaient la trentaine dépassée.
Tout en marchant au milieu des fûts gigantesques des séquoias, la
conversation s'engagea.
Il faisait sombre et frais, pas de chants d'oiseaux, un grand silence, juste dans le lointain le léger murmure d'une rivière.
Nous admirions la puissance tranquille de ces géants magnifiques à l'écorce si douce
De fil en aiguille, je lui expliquai ma présence à Redwood valley.
Une sorte de pèlerinage, hanté par la tragique disparition de Giulia.
C'était il y a presque dix ans, jour pour jour.
Redwood Valley était notre petit rêve à atteindre, mais le sort dans toute sa cruauté...
Désormais je visais Big Sur, mon propre rêve à accomplir.
Me libérer, passer un cap.
Se plonger dans la nature sauvage.
Big Sur est un "État d'Esprit", un refuge où se ressourcer.
Henry Miller ou Jack Kerouac y avait vécu ainsi que d'autres artistes.
Big Sur est une" Île après naufrage".
J'avais prévu une courte étape à San Francisco, avant Big Sur.
Elle se proposa de m'accompagner, étant seule, libre et encore en vacances.
Surpris, dans un premier temps, je ne sus que dire.
Je réfléchis un moment et acceptai.
Après tout, pourquoi pas.
Nous ne logions pas au même motel, et deux voitures.
Rendez-vous fut pris pour le lendemain, de bonne heure.
Nous devions nous suivre, il fut convenu qu'elle serait en tête.
Elle roulait doucement, fluide, quelques mètres devant moi.
Bien que perdu dans mes pensées, le trajet était plaisant.
Au fond de moi entre honte et remord, j'aimais la perspective de cette journée pleine d'imprévue.
Elle bifurqua vers Santa Rosa, nous nous arrêtâmes au Happy Wine Vineyard.
Un vaste domaine viticole autour d'un château-fort (l'Amérique!), des milliers de ceps aux feuillages déjà dorés, d'un côté des montagnes grises et dénudées, de l'autre une colline revêtue de garrigue.
Cette étendue dorée était féerique.
Kate acheta quelques bouteilles de vins. Du blanc, du rouge.
Nous reprîmes la route de San Francisco où nous arrivâmes vers onze heures du matin.
Une petite pension à la lisière de China Town.
Nos affaires.
Déjeuner dans une gargote chinoise.
Bien sûr Lombard street, cette rue pentue, en lacets serrés,
bordée de jolis parterres fleuris.
Un tour dans le célèbre funiculaire, et une balade jusqu'au Fisher's wharf.
La baie de San Francisco, Alcatraz juste en face, sur le côté, vers la gauche le fabuleux Golden Gate enrobé d'une non moins célèbre brume.
Des tas de photos.
"L'immortalité" nous guettait.
Un après-midi délicieux, contrairement au repas de midi
Le soir, dîner chez un italien.
Des moments de douceurs à avaler tout cru
Retour à la pension.
Une petite chambre à deux lits.
Allongé sur mon lit, impossible de dormir.
Trop de choses dans la tête, trop d'évènements en si peu de temps.
Tant d'interrogations!
Nous digérions dans un silence pensif mais serein, cette si agréable journée.
Un insidieux sentiment de "trahison". Giulia n'était plus, mais Giulia était présente.
Le passé reste toujours ancré.
Le lendemain matin, la ville plongée dans un épais brouillard.
Départ prudent vers le sud et Carmel-by-the-sea.
C'est à l'approche de Carmel que le brouillard enfin se leva.
Une gentille petite ville proprette, fleurie, pimpante, chic, où tout est cher.
Bye bye Carmel.
Point Lobos State Park
Un grand parking aux trois quarts vide.
Des chemins balisés le long d'une côte très découpée.
La montagne affalée dans l'océan, des îlots parsemés, en avant-garde.
Plus loin, une longue avancée aigüe nous amène au plus près de l'océan.
Les vagues rageuses, écumantes, les embruns enveloppants,
le vent piquant, hurlant dans nos oreilles. Un brouhaha sauvage, assourdissant dans lequel nous étions immergés.
Les bras en croix, les mains ouvertes, je tentais d'attraper des bribes de vent, d'écume et d'embruns iodés, les enfouir au fond de moi, dans des souvenirs impérissables.
Kate faisait de même.
Soudain, elle me prit la main.
Surpris, ému et pétrifié, je n'osais la regarder.
Le cœur affolé.
Tout se brouillait en moi.
Sa main douce et tiède, intimidante et chaleureuse.
Mon cerveau s'évaporait, se dandinant sottement, dans un de bonheur.
Comprendre ce qui m'arrivait? Pourquoi?
Juste se laisser porter, dévorer cet instant intense.
Main dans la main, nous avancions désormais dans une bulle étanche.
Le décor grandiose? Un simple écrin pour nos cœurs battants.
Les colonies de pélicans, les mouettes tourbillonnantes, des spectateurs admiratifs...
Invincibles, nous étions!
Le reste de la visite? Une balade éthérée.
Temps suspendu!
Temps accéléré!
Un romantisme exacerbé.
Écarté, le réel.
Une seule faim, une seule soif, le désir charnel!
Muets, seuls les regards échangés parlaient haut et fort!
Les premiers baisers électrisants!
Une fuite en avant, débridée, indomptable...
Nous devions nous rendre à Hurricane point.
Inassouvis, nous reprîmes la route, dans un éclair de "sagesse", l
nous permettant de reprendre un peu nos esprits.
Je branchais la radio. Les Beatles, Love me do..Un signe?
Oubliés les paysages éblouissants.
Les plus beaux paysages étaient, aujourd'hui, intérieurs...
Big Sur Station.
Des à-pics vertigineux! Un océan commandeur?
Enivrés de sensualité, une tempête de bonheur nous submergeait.
Lucia, vendredi soir.
Nous nous installâmes au Lucia Lodge.
Un charmant motel perché au sommet d'une falaise.
Une belle terrasse, vue exceptionnelle sur l'océan.
La nuit tombée, la lune affichée, floutée par une brume lointaine.
Son aspect blafard, fantasmagorique et mystérieux, un appel au calme...
Une nuit magique, nos corps enchevêtrés...
Un sommeil lourd de satisfactions.
Samedi
Le quotidien se rappelait au souvenir de kate, le travail, la maison, sa famille, ses amis. Un certain ordre, routinier, tyran de la vie, reprenait les rênes.
Pensifs, émus, nous parlions à peine, malheureux.
Nous étions, quelque part, déjà demain.
Nos regards entre chaleur et tristesse.
Une longue balade le long de la falaise surplombant la mer.
Le ressac, régulier, rythmait les battements de nos cœurs.
Dernières photos empreintes d'émotions incontrôlables.
L'extraordinaire parenthèse s'achevait.
Les souvenirs prenaient forme.
Un déjeuner sur la terrasse ensoleillée, un vin léger.
Des promesses que nous savions ne pas pouvoir tenir, mais si rassurantes, des caresses à entendre...
L'après-midi fut notre plus belle "nuit d'amour"
Le soir, nos corps enlacés se parlèrent sans un mot.
Dimanche matin, le petit déjeuner, dévia nos pensées du futur immédiat.
Des sourires contraints, des yeux embués, d'ultimes baisers.
Je regardais sa voiture s'enfuir, emportant Kate vers son destin,
Jusqu'à la perdre de vue...