Suite du feuilleton automnal... Une nouvelle de Pascale Fuster...

La Ferme du Gyps (7-1)...

Suite du feuilleton automnal... Une nouvelle de Pascale Fuster...

Ecrit par l'Ordissinaute Les 3 A...

La ferme du Gyps...
 
Zélie
-1-


Après avoir parcouru le chemin caillouteux qui menait à la grange de Vaux,
Paule découvrit que le hameau était constitué de deux vieilles maisons de pierres flanquées de chaque côté de la route. Bien plus qu’isolées, elles semblaient abandonnées. Elle aperçut une fontaine et une statue de Saint Christophe datant du seizième siècle.
La première maison était fermée, mais de la seconde on apercevait une fumée qui s’échappait de la cheminée.
Paule décida d’aller frapper à cette porte.
Elle parcourut les quelques mètres qui la séparaient de l’entrée tout en détaillant la façade, la bâtisse avait dû être une ferme, elle avait toutes les caractéristiques de ces fermes comtoises, avec le toit pentu  et ses crochets à neige qui évitaient que la masse neigeuse du toit ne glisse en un seul pan, ensevelissant tout ce qui se trouvait dessous. Le lierre escaladait les pierres s’entremêlant à un vieux rosier grimpant  dont les boutons colorés prêts à éclore semblaient appeler l’été.
Elle monta les deux marches de pierres usées par le temps et frappa à la porte.
Paule entrouvrit la porte et appela.
La pénombre de la pièce tranchait avec la luminosité du soleil.
Près de la cheminée, une vieille femme, menue, se tenait assise.
Sans tourner la tête vers sa visiteuse, la vieille Zélie dit :
- Entre, je t’attendais.
Puis, touchant le tabouret près d’elle du bout de sa canne, elle ajouta:
- Assieds- toi et écoute, je n’ai plus beaucoup de temps alors je dois tout te dire.
 
Paule s’avança lentement, les yeux rivés sur la vieille qui n’avait toujours  pas détourné le regard des flammes qui dansaient dans l’âtre. Zélie prit le tisonnier, attisa un peu les braises, puis elle soupira.
Paule s’assit sur le petit banc sans mot dire, elle sentait au fond d’elle  que l’heure n’était pas au bavardage et cette vieille femme avait des  choses importantes à dire.
Assise sur le tabouret bas devant la cheminée de pierres blanches, les bras autour de ses genoux, elle attendait.
Zélie releva un peu la tête et les flammes illuminèrent son visage,
découvrant les sillons creusés par le temps. Elle commença alors un long récit:
- Ma sœur Apolline s’installa après son mariage avec Charles à la ferme  du Gyps, il était paysan et aussi taillandier l’hiver, il tenait la  ferme de ses parents . C’était une belle bâtisse faite de pierres, elle  était là depuis mille sept cent quatre-vingt-dix-sept, il avait aussi  des bois où il faisait ses cordées et une petite vigne derrière la maison.
Ah, c’était pas un j’en’foutre le Charles! L’habitation était bâtie sur la cave et à coté se trouvaient la grange et l’écurie, le toit était couvert de tavaillons,  il y en avait aussi sur le mur du nord pour couper le froid parce que la ferme était à l’hivernage.
C’était un bon mariage et ils eurent une fille qui s’appelait Faustine.
Elle grandit au bon air et Apolline lui transmit les secrets de notre mère. Faustine apprit vite le bienfait des plantes et elle aimait cueillir la sauge, l’aubépine et la menthe d’eau, elle disait que cela faisait des « odeurs de rois ».
Elle vécut heureuse avec eux à la ferme.
Elle devint une très belle jeune fille et le Charles se dit qu’il fallait la marier, il voulait un bon gars de chez nous capable de reprendre la  ferme et de prendre soin de sa Faustine. Le Célestin l’a demandée, mais Faustine avait une autre idée dans la tête, elle s’était amourachée du Robert de la faïencerie.
Les faïenciers étaient des gens riches et ils avaient d’autres espérances pour leur fils.
Ils le marièrent donc avec une héritière de la faïencerie de Lunéville et  il partit s’installer là-bas, brisant le cœur de Faustine mais lui  laissant avant son départ un « cadeau » dont ma pauvre sœur se serait  bien passée.
Le Charles a rien dit, il a ravalé son orgueil et il a gardé la petite avec lui.
C’est ainsi qu’est née  Marie.
 
[...]

: L'extrait lu ici: