Le blu bayou
Publié le 15 septembre 2022
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Aujourd'hui, une belle journée de printemps, fraîche, ensoleillée, de septembre.
Bien des années des journées sont passées.
Je suis de retour au BLU BAYOU, une petite pension, rustique, ne disposant que de quatre chambres.
Des repas simples et frugaux étaient possibles.
Nichée sur une falaise, sur une route de corniche, désuète, peu empruntée, surplombant le Pacifique.
Nous l'avions découverte au lieu-dit Mountain Paradise, quelques miles au nord de Kamath, California.
J'y retourne pour la première fois.
Un décor brut d'Éden figé dans les souvenirs.
Le visage de Giulia, envahit mon cœur, fantomatique.
Son sourire émouvant, ses yeux d'un bleu intense, sa peau légèrement halée.
Le passé et le présent se confondent. Ventre noué...
C'est à Delhi, Ontario, que nous nous sommes rencontrés, dans une ferme où nous récoltions le tabac.
Nous étions cinq "ouvriers", dont deux femmes.
Nous étions tous dans la même pièce.
Nos lits se côtoyaient.
Premiers regards, premiers sourire échangés, toute fatigue oubliée.
Giulia était étudiante en anthropologie, à Montréal.
D'un commun accord, nous décidâmes, à la fin de la récolte, d'aller à Vancouver.
Regards embrasés, premiers baisers, premiers enlacements.
Une forte envie d'Ouest.
Nous avons acheté une vieille "Impala", large et confortable.
Nous étions prêts, sur les starting-blocks de l'Aventure...
Une longue route enchantée nous tendait les bras, et le mince ruban de la transcanadienne s'ouvrait à nous...
C'est par un petit matin brumeux de septembre que nous quittâmes Delhi.
Nous étions heureux et excités.
Longeant le lac Supérieur, nous dépassâmes Sault-sainte-Marie et Thunder Bay.
Nous nous émerveillions de tout et de rien.
Nous dormions le long de la route, dans la voiture ( les nuits étaient froides), et nous ne disposions que d'une couverture chacun, mais qu'importe, le désir réchauffait nos corps et nos cœurs entre-mêlés.
Chaque jour nous nous lavions des les grandes stations services pour routiers, où des douches étaient disponibles pour un prix modiques. C'était aussi l'occasion de déjeuner correctement.
Même les plaines moroses et alanguies du Manitoba nous enchantaient, surtout au coucher du soleil, où étrangement les lointaines silhouettes de fermes éparses donnaient subitement du relief et la vie se révélait.
Winnipeg.
Toujours nos cœurs en apesanteur, Regina, Alberta, s'approchait ainsi que les Rocheuses, enfin Calgary, les forêts denses deconifères, dans lesquelles nous imaginions toutes sortes d'animaux sauvages plus ou moins féroces.
Des ours? Des loups? Des élans? Des renards?
Nos cerveaux en " roue libre" se laissaient aller...
Par curiosité, nous remontâmes vers le nord, direction Edmonton, que nous dépassâmes de quelques miles, jusqu'à un lac immense, percuté par un glacier. Sur la rive, un Hôtel majestueux, qui semblait sortir du 18ème siècle, et posé là, juste pour un ajout de beauté.
C'était grandiose, et un torrent vif quittait le lac, tourmenté, impétueux.
Une envie irrépressible de goûter cette eau libre et sauvage. Une saveur inconnue éclata dans la palais, et c'était principalement la saveur de la liberté.
Je n'ai plus jamais retrouvé ce goût.
La traversée des Rocheuses, puissantes, intimidantes, magnifiques et formidables.
Sensation étranges où nous n'étions plus seulement dans la nature, mais nous étions la nature!
C'était irréel et émouvant.
Ce périple était magique, exalté par nos sentiments et nos sens.
Enfin Vancouver!
Il était tard, et nous étions affamés.
Nous nous dirigeâmes vers le down town. Dans le peu d'établissements ouverts, des gens alcoolisés, avachis sur leurs chaises, somnolant. Dans la rue, de tristes ombres étalées sur les trottoirs.
Drôle de Vancouver.
Le lendemain, les alentours de Vancouver, et des paysages magnifiques.
Un pincée de déception au fond de nous.
La joie revint immédiatement, nos pensées dirigées vers la Californie et San Fransisco.
Seattle, Portland, et en ligne de mire la Route 101 qui longeait le Pacifique.
Depuis Delhi, les miles et les jours ont défilés sans relâche, exacerbant des amours fusionnelles.
La radio offrait la voix apaisante de Roy Orbison.
California Blu, nous transportant dans un nuage de chaleureuse douceur.
Nous étions au cœur de nos espérances.
Nos corps enchevêtrés vivaient des instants d'invincibilité.
C'est ainsi que nous arrivâmes à Mountain Paradise, où s'etait posé le Blu Bayou.
La petite pension surplombait, plus bas, une petite crique, blottie, dans une légère dépression de la falaise, douillettement, installée face au soleil.
Un sable fin doré, doux.
Souvent, l'après-midi, nous descendions sur cette jolie plage, que nous appelions "Notre Grand Paradis".
Le soleil échauffait et nos corps et notre passion.
Nous rêvassions entrelacés, admirant des vagues ogresques, qui s'écrasaient à quelques mètres de la grève, dans un fracas assourdissant, propulsant vers nous dans des nuages d'embruns, les Chants de Maldoror.
Paroxysme de notre Amour et de nos sensualités...
Nous nous savions protégés dans notre bulle.
Sérénité dans l'Éternité...
Redwood Valley pouvait encore attendre.
En cet instant, aujourd'hui, assis sur le sable, mes pensée virevoltent: nous, son visage, les vagues dantesques toujours régulières, routinières, itération morbide de la nature.
Les embruns sont là, désormais comme des gifles, et les Chants de Maldoror ne sont plus qu'un faible écho, désespéré, à peine audible...
Le grondement de l'Océan, une torpeur mélancolique...
Le ventre noué, le cœur serré, ne reste plus que les effluves d'un bonheur disparu, envolé.
Giulia, pourquoi es-tu allée à la rencontre de cette vague que tu admirais, qui te fascinait?
Elle était menaçante et te regardait, t'aimantait.
Avait-elle besoin d'une victime sacrificielle?
À quel appel insensé appel as-tu répondu, pourquoi?
Je voulais t'empêcher, t'arrêter, mais tu n'écoutais plus, prisonnière d'un autre monde.
Attirée comme une somnambule par la vague dévoreuse et haissable , au ventre creux!
Elle t'a avalée, digérée, sans faim!
Cruelle elle na jamais rendu ton corps, comme sait parfois le faire, la mer magnanime.
Comme paralysé sur cette plage, j'attends son impossible retour.
Bien des années des journées sont passées.
Je suis de retour au BLU BAYOU, une petite pension, rustique, ne disposant que de quatre chambres.
Des repas simples et frugaux étaient possibles.
Nichée sur une falaise, sur une route de corniche, désuète, peu empruntée, surplombant le Pacifique.
Nous l'avions découverte au lieu-dit Mountain Paradise, quelques miles au nord de Kamath, California.
J'y retourne pour la première fois.
Un décor brut d'Éden figé dans les souvenirs.
Le visage de Giulia, envahit mon cœur, fantomatique.
Son sourire émouvant, ses yeux d'un bleu intense, sa peau légèrement halée.
Le passé et le présent se confondent. Ventre noué...
C'est à Delhi, Ontario, que nous nous sommes rencontrés, dans une ferme où nous récoltions le tabac.
Nous étions cinq "ouvriers", dont deux femmes.
Nous étions tous dans la même pièce.
Nos lits se côtoyaient.
Premiers regards, premiers sourire échangés, toute fatigue oubliée.
Giulia était étudiante en anthropologie, à Montréal.
D'un commun accord, nous décidâmes, à la fin de la récolte, d'aller à Vancouver.
Regards embrasés, premiers baisers, premiers enlacements.
Une forte envie d'Ouest.
Nous avons acheté une vieille "Impala", large et confortable.
Nous étions prêts, sur les starting-blocks de l'Aventure...
Une longue route enchantée nous tendait les bras, et le mince ruban de la transcanadienne s'ouvrait à nous...
C'est par un petit matin brumeux de septembre que nous quittâmes Delhi.
Nous étions heureux et excités.
Longeant le lac Supérieur, nous dépassâmes Sault-sainte-Marie et Thunder Bay.
Nous nous émerveillions de tout et de rien.
Nous dormions le long de la route, dans la voiture ( les nuits étaient froides), et nous ne disposions que d'une couverture chacun, mais qu'importe, le désir réchauffait nos corps et nos cœurs entre-mêlés.
Chaque jour nous nous lavions des les grandes stations services pour routiers, où des douches étaient disponibles pour un prix modiques. C'était aussi l'occasion de déjeuner correctement.
Même les plaines moroses et alanguies du Manitoba nous enchantaient, surtout au coucher du soleil, où étrangement les lointaines silhouettes de fermes éparses donnaient subitement du relief et la vie se révélait.
Winnipeg.
Toujours nos cœurs en apesanteur, Regina, Alberta, s'approchait ainsi que les Rocheuses, enfin Calgary, les forêts denses deconifères, dans lesquelles nous imaginions toutes sortes d'animaux sauvages plus ou moins féroces.
Des ours? Des loups? Des élans? Des renards?
Nos cerveaux en " roue libre" se laissaient aller...
Par curiosité, nous remontâmes vers le nord, direction Edmonton, que nous dépassâmes de quelques miles, jusqu'à un lac immense, percuté par un glacier. Sur la rive, un Hôtel majestueux, qui semblait sortir du 18ème siècle, et posé là, juste pour un ajout de beauté.
C'était grandiose, et un torrent vif quittait le lac, tourmenté, impétueux.
Une envie irrépressible de goûter cette eau libre et sauvage. Une saveur inconnue éclata dans la palais, et c'était principalement la saveur de la liberté.
Je n'ai plus jamais retrouvé ce goût.
La traversée des Rocheuses, puissantes, intimidantes, magnifiques et formidables.
Sensation étranges où nous n'étions plus seulement dans la nature, mais nous étions la nature!
C'était irréel et émouvant.
Ce périple était magique, exalté par nos sentiments et nos sens.
Enfin Vancouver!
Il était tard, et nous étions affamés.
Nous nous dirigeâmes vers le down town. Dans le peu d'établissements ouverts, des gens alcoolisés, avachis sur leurs chaises, somnolant. Dans la rue, de tristes ombres étalées sur les trottoirs.
Drôle de Vancouver.
Le lendemain, les alentours de Vancouver, et des paysages magnifiques.
Un pincée de déception au fond de nous.
La joie revint immédiatement, nos pensées dirigées vers la Californie et San Fransisco.
Seattle, Portland, et en ligne de mire la Route 101 qui longeait le Pacifique.
Depuis Delhi, les miles et les jours ont défilés sans relâche, exacerbant des amours fusionnelles.
La radio offrait la voix apaisante de Roy Orbison.
California Blu, nous transportant dans un nuage de chaleureuse douceur.
Nous étions au cœur de nos espérances.
Nos corps enchevêtrés vivaient des instants d'invincibilité.
C'est ainsi que nous arrivâmes à Mountain Paradise, où s'etait posé le Blu Bayou.
La petite pension surplombait, plus bas, une petite crique, blottie, dans une légère dépression de la falaise, douillettement, installée face au soleil.
Un sable fin doré, doux.
Souvent, l'après-midi, nous descendions sur cette jolie plage, que nous appelions "Notre Grand Paradis".
Le soleil échauffait et nos corps et notre passion.
Nous rêvassions entrelacés, admirant des vagues ogresques, qui s'écrasaient à quelques mètres de la grève, dans un fracas assourdissant, propulsant vers nous dans des nuages d'embruns, les Chants de Maldoror.
Paroxysme de notre Amour et de nos sensualités...
Nous nous savions protégés dans notre bulle.
Sérénité dans l'Éternité...
Redwood Valley pouvait encore attendre.
En cet instant, aujourd'hui, assis sur le sable, mes pensée virevoltent: nous, son visage, les vagues dantesques toujours régulières, routinières, itération morbide de la nature.
Les embruns sont là, désormais comme des gifles, et les Chants de Maldoror ne sont plus qu'un faible écho, désespéré, à peine audible...
Le grondement de l'Océan, une torpeur mélancolique...
Le ventre noué, le cœur serré, ne reste plus que les effluves d'un bonheur disparu, envolé.
Giulia, pourquoi es-tu allée à la rencontre de cette vague que tu admirais, qui te fascinait?
Elle était menaçante et te regardait, t'aimantait.
Avait-elle besoin d'une victime sacrificielle?
À quel appel insensé appel as-tu répondu, pourquoi?
Je voulais t'empêcher, t'arrêter, mais tu n'écoutais plus, prisonnière d'un autre monde.
Attirée comme une somnambule par la vague dévoreuse et haissable , au ventre creux!
Elle t'a avalée, digérée, sans faim!
Cruelle elle na jamais rendu ton corps, comme sait parfois le faire, la mer magnanime.
Comme paralysé sur cette plage, j'attends son impossible retour.