Suite  de la nouvelle de Louis Chenot...

La Vierge du Lizon (2)...

Suite de la nouvelle de Louis Chenot...

Ecrit par l'Ordissinaute Les 3 A...

 

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LA VIERGE DU LIZON
                          
II.
    Il y a quelques années, un pieux et respectable vieillard, le père Nodier, exerçait à Nans les fonctions  d'instituteur. Il habitait, avec sa petite fille, une maison d' humble  apparence située à l'extrémité du village ; les pauvres gens la  connaissaient bien, car elle était hospitalière, et le bon cœur y tenait lieu de richesse. Le père Nodier avait eu le malheur de perdre  successivement sa femme, son gendre et sa fille ; mais il avait supporté en chrétien ces douloureuses épreuves, et s'était incliné sous la main  qui le frappait. Le curé lui avait dit : - L'homme n'est point sur la terre pour être heureux... Cette vie est un combat et l' homme est soldat… C'est au ciel que la palme est  préparée!
    Du reste, après que la mort eut fait successivement trois vides autour du père Nodier, il lui était  resté, avec une suprême et bien douce consolation, une dernière tâche à  accomplir sur la terre. Sa petite fille, sa blonde Marie, avait douze  ans ; c'était l'ange de son foyer, le rayon de soleil qui illuminait sesderniers jours. C'était désormais toute sa joie et toute sa vie. Il consacra à l'éducation de la frêle et charmante enfant tout ce qu'il y avait encore de chaleur et de tendresse dans ce vieux cœur tant éprouvé  et la récompense de ses efforts ne se fit pas attendre. À une  intelligence précoce et vive Marie, joignait une beauté naturelle, une délicatesse de sentiment, une sensibilité de cœur qui la faisaient  chérir de tout le village. Compatissante à toutes les souffrances et à  toutes les misères la vue d'un pauvre mendiant lui arrachait des larmes.
- Pourquoi donc disait-elle à son grand-père, Dieu qui est si bon,  a-t-il permis qu'il y ait tant de malheureux sur terre?
- C'est, sans  doute, lui répondit le père Nodier afin qu'il y ait des anges  consolateurs.
    Vous est-il jamais arrivé, cher lecteur de contempler un instant une de ces humbles existences qui s'achèvent comme elles naissent, ignorées et silencieuses, confinées dans un recoin de la province dans une  bourgade chétive perdue dans les montagnes? Vous êtes-vous attendri sur  le sort de ces créatures humaines qui ne savent que prier, aimer et  souffrir ; pour lesquelles la vie prochaine est l'ultima tellus, la fin de la terre, l'extrémité du monde ? N'avez vous pas, du moins,éprouvé à leur contact, une émotion douce et triste, comme celle que  vous avez peut être ressentie, lorsqu'à travers les bruits tumultueux de Paris une harmonie plaintive est venue, tout à coup, dans une bouffée  d'air, à frapper vos oreilles ?
    Eh bien, si le portrait qui nous fut tracé du père Nodier est  ressemblant, il nous semble que la vue de ce vieillard eût éveillé en nous de semblables impressions.
    Souvent le vieux instituteur disait à sa petite fille : - Qu'est ce  qui fait le malheur des hommes? C'est l'ambition. La plupart s'acharnent à fixer une étoile et se désespèrent de ne pouvoir y atteindre. Je suis bien pauvre, ajoutait il, et j'ai été cruellement éprouvé par la Providence. Peut-être suis-je encore réservé à de nouvelles épreuves… Eh bien! j'ai tout supporté, et avec la grâce de Dieu, je supporterai tout encore. L'homme n'est pas le maître de sa destinée, mais il dépend de  lui de l'affronter avec courage en se rendant un compte exact des conditions que Dieu a faites à l'humanité. Quel que soit notre sort ici-bas, nous pouvons être heureux, si le devoir et la vertu sont les mobiles de nos actions...
    Lorsque Marie eut seize ans le père Nodier lui dit un jour:
- Ma chère enfant, tu sais que je n'ai jamais ambitionné la richesse ; cependant,quand je pense à ton avenir, je ne puis m'empêcher de regretter que tu n'aies pas de dot à offrir à un mari.
  - Ne regrettez rien, grand-père, répondit Marie en enlaçant tendrement de ses deux bras le col et les épaules du vieillard. Je ne veux pas me marier. Je veux rester auprès devous. C'est mon bonheur et je n'en souhaite pas d'autre.
Le père Nodier secoua la tête mélancoliquement.
- Je le sais Marie, dit-il, tu es la meilleure des filles ; mais ne vois-tu pas que je suis bien vieux? Avantpeu d'années, Dieu me rappellera à lui. Je ne voudraispourtant pas te laisser seule sur terre, et, s'il se rencontrait quelque brave jeune homme, pauvre comme toi, mais honnête et laborieux, appréciant tes qualités et qui désirât associer sa pauvreté à la tienne… si ce jeune homme te plaisait tous mes vœux seraient accomplis.
Marie, à ces mots rougit, pâlit, balbutia une réponse évasive, et se sauva dans sa chambre.
 
[...]