Avant la Pentecôte

La main posée affectueusement sur l'épaule de son compagnon, l'Homme murmure :
" Je t'ai choisi car je sais pouvoir compter sur toi jusqu'au bout.  Je connais ta générosité, ton esprit de solidarité, ta façon de saisir les occasions pour traiter une affaire, ton art du négoce qui aurait fait de toi un riche marchand si tu n'avais tout abandonner pour me suivre.
Judas, ce que je vais te demander te surprendra. Tu vas refuser, mais je sais aussi qu'en fin de compte tu m'aideras car je ne peux accomplir mon destin sans ton aide."

Le murmure enveloppait Judas, le tenait sous le charme de son interlocuteur.  Il voyait défiler sa vie jusqu'à ce jour.  Il es remémorait sa rencontre avec le Maître, ce visionnaire, ce prophète qui se disait le Fils de Dieu venu sur terre pour racheter les péchés du monde ! Quelle utopie, quel rêve magnifique ! Même si l'on n'y croyait pas, on ne pouvait s'empêcher de suivre cet homme, de l'aimer.  Judas revoyait cette foule écoutant  ses paroles de paix dans un silence impressionnant : " Tu ne tueras point ..." " Tu pardonneras à ton ennemi ..." " Aimez vous les uns les autres..." et bien d'autres phrases aussi émouvantes. Des mots doux comme un caresse, des mots auxquels on voulait croire !  Il revivait tous ces moments de partage, d'aide aux plus démunis, aux indigents et ce miracle de la multiplication des pains qu'il ne pouvait s'expliquer. Il se souvenait de la compassion du Maître vis à vis de la douleur des familles ayant perdu un être cher... Il revoyait Lazare...

Le murmure le tenait toujours dans un état second...
"Tu me livreras aux Romains pour 30 deniers...Ce sera ta récompense pour m'avoir aidé et ainsi tu seras crédible, on ne t'inquiétera pas".

Au mot de deniers, Judas se secoue, se réveille, s'écrie :
"Maître, à quoi riment ces propos ?  Que veux-tu ? Qu'attends-tu de moi ?"
"Judas, il faut que je meurs et je n'ai pas le droit de me tuer.  Il faut que je meurs et je suis terrifié."
" Mais personne ne te demande un tel sacrifice ! Et tu l'as dit toi-même : Dieu t'a donné la vie, lui seul peut te la reprendre."
" C'est vrai, c'est lui qui m'appelle et j'ai besoin de toi pour le rejoindre.  Demain, sur le Mont des Oliviers tu me renieras, tu me trahiras, tu me livreras...."
" Jamais " crie Judas en l'interrompant.
" En vérité, je te le dis, cela sera car mon destin doit s'accomplir "
" Non, non, je refuse. Je ne pourrai pas. Demande çà à Jacques, à Simon, à....."
 Jésus lui coupant doucement et tristement la parole  :
" Eux aussi me renieront ...après toi !
Judas, les mains collées sur ses oreilles, s'enfuit pour ne plus rien entendre.

Le lendemain....Mais tout le monde connaît la suite et la fin .


Paule Husson