Les yeux
Les yeux, gemmes mouillées des déserts de fortune
Des couleurs, des couleurs, il pleut sur la lagune.
Leur eau reflète des Pléiades consolées,
Émaux masquant des gouffres, peut-être.
Les yeux, aux circonvolutions brisées
Où passent des orages et le vent, déraison.
Qu'es-tu donc devenue, toi qui étais si forte
Qui parlais aux oiseaux et guérissais l'ennui ?
Les yeux charbon des femmes, petits soldats
Toujours oubliés de toutes les guerres,
Toujours berçant un enfant dans leurs bras,
Antigones fragiles, portant le deuil des larmes.
Les yeux bavards, plus que de raison,
Chargés de mots que les lèvres retiennent,
Soleil, palmes, lianes, hélianthèmes,
Le secret s'épanche au griffon d'un regard.
Les yeux grégeois allument des étoiles,
Éclairant un instant les Eden à venir.
Elle est, il est, ils offrent leur brasier au monde.
Ils furent, l'astre noir du passé les illumine encore.
Et les yeux où le poète voit des soleils se mirer.
Jean Philippe